Vers 2004

Les réalités ultimes, celles qui comptent, celles qui veulent faire l'Histoire, s'exacerbent, imposent leur puissance en ce qu'elles vont résolument vers ce qui les réalise et évitent ce qui les effrite et les affaiblit.

Ce genre de réalités veut exister autrement que dans le passé des pierres, surtout lorsqu'elles désirent en recouvrer l'ancienne gloire. Elle s'entêtent, s'acharnent, à détruire les statistiques qui prétendent, devant, tisser le temps sur lequel nous devrions voguer.

Ce qui crée un vide. Un abîme. Qui s'accroît. Entre les pays qui savent construire le temps, donc l'Histoire à venir, celle qui transforme, et les pays qui entrent à reculons en croyant qu'il suffit d'être pour être.

Il est ainsi étrange d'observer que les pays capables de relever technologiquement, économiquement, humainement, ce défi sont en même temps ceux qui construisent une littérature et un cinéma populaires des plus imaginairement et spirituellement ressourçants, enracinés dans les contes immémoriaux, geysers immenses de la mémoire des peuples, au-delà des effets grand spectacles.

Pendant ce temps, les pays préférant confondre sagesse et renoncement affichent leur mécompréhension radicale qu'ils font passer faute de mieux en profondeur de vie, de vue, et tous les ourlets de ricanements en surimpression qui suintent d'une culture autodétruite ne survivant que par les spasmes de ses tueurs se posant comme artistes maudits et les flashs des touristes visitant les restes d'une Europe exsangue et absconse à l'encéphalogramme sur écran plat, télé-réalité sans plus, ne comprenant pas pourquoi il existe encore des combats, des conflits, alors que tout le monde devrait pour elle vivre son avenir au Musée Grévin puisque le sien y succombe entre les ombres.

Pourtant Byzance brûle. Bel et bien. Mais les belles âmes y verront un complot de "l'empire américain", tout en lorgnant fébrilement les méandres de sa fin espérée, au fur et à mesure qu'elles s'enfoncent dans les sables mouvants, morgue qu'elles ont elles-mêmes créé, et dont elles se pâment, à coup d'arguties et de dentelles conceptuelles frisant non la précision du juste point mais juste le point de non retour.

Lorsque la f(r)ange voit ainsi la fin de l'abîme elle croit y rebondir mais au lieu de remonter elle en creuse le fond.

Qu'y a-t-il après le rien ?

Il est sans doute encore temps de refuser ce royaume des ombres, falots cyniques et repus d'évidence, et de revenir à la réalité vivante de ceux qui aspirent à quelque chose de mieux, capable de dominer l'égoïsme et les partis pris.

Parce que ce qui en jeu c'est l'universel. Quel universel ? Non pas celui qui se prétend tel et se répand de force, mais celui qui le prouve en montrant comment faire pour que le mieux être s'affirme, et pour tous les humains.

Ce qui implique dans ce cas, lorsqu'il s'agit de concrétiser ce dire, de mettre en avant ces principes définitivement certains qui montrent comment des pays s'en sortent mieux que d'autres -même s'ils ne sont pas parfaits (qui l'est ?), tandis que d'autres s'enfoncent, ou se parent de contre-vérités.

Quels sont ces principes ? Ils se résument à quatre : liberté de penser et d'entreprendre, respect de soi et d'autrui, séparation des pouvoirs, justice et justesse.

Nous savons que l'humain est capable du meilleur comme du pire. Affinement et exploitation de l'homme par l'homme sont deux visages qu'il s'agit cependant de séparer en posant que le second n'est pas la cause de l'autre mais son excès ou son errance. Marx n'a vu que cet aspect du réel. Les religions et les sagesses voient l'autre, le meilleur. Or, la réalité des réalités, c'est-à-dire l'ensemble des choses qui aspirent non seulement à exister mais à être, tend à mélanger les deux, selon les moments, lorsque par exemple les besoins sont pensés comme des manques.

Le rôle du politique digne de ce nom consisterait à délimiter ce mouvement conflictuel du réel en soutenant absolument les quatre principes qui fondent l'universel du mieux humain et qui sont les seuls à même d'éviter au meilleur le pire.

Ainsi l'affinement, c'est-à-dire tout ce qui permet de distinguer développement et croissance afin que la qualité tire la quantité vers le mieux plutôt que vers le seul plus, serait pensé dans chaque action, chaque activité. Comment ? Par la séparation réelle des pouvoirs.

C'est-à-dire non pas seulement entre exécutif, législatif et judiciaire, mais aussi en leur sein entre instances décisionnelles et instances de vérification. Au niveau national comme au niveau international.

Il n'est pas normal par exemple que la Cour des Comptes en France n'ait pas un droit de poursuite. Que le parquet ne soit pas indépendant. Que les universités et les écoles n'aient pas le droit de choisir leur complément de financement, leur personnel et leurs élèves. Ce qui interdit d'aider ceux qui sont issus de milieux difficiles faute de moyens. C'est cela la justice liée à la justesse. Et le respect de soi et d'autrui.

Il est de même désolant d'observer que le citoyen n'a pas le droit de participer à la gestion de sa propre protection santé et retraite en choisissant l'organisme, en permettant qu'une grande part patronale lui soit également remise. Tout en n'oubliant évidemment pas les plus démunis.

Il est également indispensable d'accroître le pouvoir des Prudhommes, de les multiplier, de permettre aux citoyens salariés d'avoir plus de responsabilité dans leurs entreprises en y investissant et en ayant la possibilité de réduire leur imposition lorsqu'ils le font.

Il est de ce fait nécessaire que l'organisation interne des entreprises soit pensée de telle sorte que l'innovation ne vienne pas sous la pression du marché mais soit anticipée. Le pouvoir politique ne peut évidemment pas forcer dans cette direction, il peut néanmoins indiquer, instruire, puisque sa fonction est de préserver, affiner le Bien Commun.

Au niveau international, il faut que la France et l'Europe avec elle, se battent pour que le Nord comme le Sud admettent qu'il ne peut exister un réel développement lorsque les principes qui fondent l'universel du mieux pour l'humain ne se réalisent pas, c'est-à-dire s'affirment au-delà des mots, dans les choses mêmes.

Comment faire pour que ces demandes soient concrétisées et ne dépassent pas le stade du voeu pieux ?

En décidant déjà de penser autrement, en s'inclinant aussi devant ceux, américains, anglais, italiens, espagnols, coréens, japonais, polonais, qui tombent pour notre bien être en Irak.

En rompant avec tous ceux qui choisissent le pire, le tout ou rien, qui trompent et se repaissent du malheur qu'ils affligent à leur propre peuple comme MM. Arafat en Palestine, Mugabe au Zimbabwe, Castro à Cuba, Kim Sung Il en Corée du Nord, Bouteflika en Algérie, Chavez au Venezuela...

Il ne sert à rien d'excuser le crime par le crime (d'agiter le nom de Sharon comme si c'était celui d'Hitler), de s'aveugler avec les errements et les erreurs de telle ou telle puissance démocratique pour laisser croire que dans ces conditions c'est l'idée même d'universel qui est corrompu.

De même, il s'agit de ne pas confondre la nécessaire liberté d'interpréter l'universel en lui donnant une forme propre à l'histoire spécifique du pays considéré, et de prétendre que tel aspect singulier peut lui aussi aspirer à l'universel sous le seul prétexte qu'il est énoncé tel ou qu'il se prononce de manière sacrale.

Une femme voilée par exemple signifie qu'elle ne peut pas montrer sa chevelure, son visage et,souvent, les formes de son corps, ce qui implique qu'elle n'enracine pas son appartenance au genre humain, elle n'affine pas le respect qu'elle peut susciter vis-à-vis de son corps et envers le regard d'autrui qui veut partager avec elle un moment de sa beauté, elle enracine seulement son être dans une appartenance contraignante, emprisonnant objectivement une partie d'elle-même, ce qui est son droit, mais elle ne peut cependant prétendre présenter ce dernier comme étant un passe droit affichable partout et comme ce qui serait le mieux qui soit pour toutes les femmes.

Que ceci n'ait pas été perçu tout de suite mais au fur et à mesure de la conquête féminine de l'universel est semblable à ces principes de la matière et de la vie qui ont été découverts depuis à peine deux siècles.

C'est cela, cette force libératrice de l'universel, qu'il faut affirmer, de nouveau, et avec force, y compris envers ceux qui ont donné congé à sa précieuse lumière, qui éclaire et réchauffe lorsqu'il est possible d'en moduler la puissance de feu.

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