Légalité et légitimité en Irak après la capture de l'as de pique

Pour certains commentateurs cette capture semble un épiphénomène tant ils se précipitent pour souligner que cela ne donne toujours pas de légitimité à l'intervention en Irak, et tout en considérant pour les envoyés sur place que s'il y a de la joie ce n'est pas la "liesse". Pour preuve les attentats continuent. Et puis montrer ainsi SH est bien "humiliant" pour la "rue arabe"...etc...(alors qu'il fallait bien casser le mythe, en faire juste un homme, même s'il s'agit de l'un des pires qui soit). Mais pour les vilipendeurs perpétuels la boucle n'en finit pas de boucler, l'on peut avec un certain soulagement continuer à diaboliser Bush et...Israël. Et encenser la clairvoyance de nos deux Dupont et Dupond Chirac et Villepin. Vive le Général Tapioca ! Vive le Général Alcazar !...

Une telle hargne, une haine au fond, faite d'attraction (NY, le polar américain, un certain cinéma, le blues etc) et de répulsion (la CIA, Pinochet, le Vietnam, le soutien à Israël) enlève toute clairvoyance à une génération de journalistes et de commentateurs élevés au biberon de la haine anti-impérialiste, vivant dessus, tout en se nourrissant, en catimini, de la culture du pays maudit. L'amour-haine que l'on entretient avec une femme-enfant, tout en la délaissant le soir venu pour retourner dans les pénates de l'épouse légitime.

Mais venons-en au fait.Lorsqu'un des leurs, Régis Debray, affirmait il y a quelque temps que l'action en Irak était illégale, et qu'aujourd'hui ses confrères soulignent avec un empressement suintant la panique et la rage qu'elle reste illégitime, l'observateur martien peut repérer un saut sémantique, mais il n'en reste pas moins artificiel parce que l'action tout court n'est toujours pas acceptée, même du bout des lèvres, sauf à réitérer la phrase perroquet classique du général Tapioca-Villepin : "rendre le plus vite possible le pouvoir aux irakiens" cela ne mange pas de pain et la "rue arabe" peut encore prononcer le nom de Chirac-Alcazar avec sympathie.

Cette capture permet de revenir sur ce distinguo et de mettre les points sur les i : déclarer la guerre n'était pas illégale entre la Coalition et L'Irak puisqu'il n'existait pas de traité entre ces pays ratifiant explicitement des accords de paix. Seul un armistice suite à la guerre du Golfe avait office de légalité. L'ONU de son côté n'est pas une structure légale, mais conventionnelle, l'équivalent juridique d'une amicale, d'une association, régie par une Charte et non par un Code strict regroupant des lois avalisées par les peuples. On mélange donc tout.

Ce qui donne l'apparence d'une légalité à l'ONU, c'est le régime des sanctions. Mais celui-ci n'est pas plus légal pour autant en réalité. Il résulte seulement d'une convention entre un certain nombre de pays qui accepte de ne pas exporter à un tel pays tels biens. Le gel des avoirs financiers par exemple ne s'établit pas partout de façon systématique; il est par exemple nécessaire, -on le voit avec le réseau de Ben Laden, que les pays ratifient auprès de certaines instances la notification légale stipulant une telle opération.

L'illégalité reprochée ne tient donc pas juridiquement. Elle tient d'autant moins à présent que depuis la dernière résolution votée à l'unanimité, l'action de la Coalition a été rendue conventionnelle du point de vue de la Charte onusienne. Régis Debray n'en a eu cure et a préféré employer le terme "illégal", lui, ce grand légaliste...

Ces compères se rattrapent donc avec le terme "légitime". La légalité étant incertaine puis rendu compatible, a été mise de côté au profit de cette question plus profondément éthique et philosophique. Sauf que même sur ce terrain, il semble bien que les Debray et consorts continuent à raisonner en terme de légalité. Parce que si la notion de légitimité signifie qu'une action peut être engagée parce qu'elle est juste, même si elle est illégale, il n'y a aucune raison pour l'écarter s'agissant de l'Irak et spécialement d'ailleurs pour ce pays avec ces centaines de milliers d'assassinats, voire de millions qui pétrissent si douloureusement sa terre.

Par ailleurs, lorsqu'un régime devient menaçant, en passe de détenir des armes dangereuses, source longue d'instabilité, la guerre devient inévitable.

L'ultime argument, ou, plutôt, les deux arguments qui restent aux détracteurs, et l'un d'eux a été employé par le nouveau Nobel de la paix, se résument dans le fameux "deux poids deux mesures", à savoir la Corée du Nord et Israël. Notons que personne ne parle de Cuba ou du Zimbabwe, sans doute parce que le nombre de morts n'atteint pas encore les sommets abyssaux habituels. Mais en est-il de même pour Israël comme le prétend le nouveau prix Nobel de la paix, (croyant ainsi museler les radicaux de son pays l'Iran, alors qu'elle leur donne seulement des gages)?

Répondre par l'affirmative revient à penser, comme un récent sondage le laisse accroire, qu'Israël est en train de construire des armes de destruction massive en vue de menacer le monde entier et d'exiger de lui qu'il paye encore et encore. Or, au risque de souligner l'évidence, il ne semble pas qu'Israël menace le monde, mais qu'il détient des armes de destruction massive afin de se protéger, au contraire de pays comme la Corée du Nord et l'Iran.

Pourquoi ? Au risque encore une fois d'inventer le fil à couper le beurre, il est impossible de comparer des dictatures comme l'Iran et la Corée du Nord et un pays démocratique comme Israël.

La seule possibilité de le faire consiste à verser dans l'antirationnel, et donc de prendre pour argent comptant tout ce qui se dit sur le sort des palestiniens sans jamais prendre en compte que depuis le temps et l'argent déversé par la Communauté internationale, les conditions de vie des palestiniens auraient été considérablement améliorées s'il n'y avait pas le détournement de fonds, maquillé au niveau comptable via la prolifération d'instances supposées aider le peuple palestinien alors qu'elles ne font que sustenter leurs mandants, s'il n'y avait pas le blocage de toute solution politique hors illusion, c'est-à-dire sans que toutes les parties, en particulier les groupes islamistes, ne donnent leur aval en bonne et due forme à un processus de paix effectif.

Mais pourquoi s'acharner à argumenter ainsi ? La chute d'un tyran ne change pas les esprits retors, elle envenime au contraire leur rage. Répondons qu'il faut établir une différence entre eux et nous, et cette différence c'est l'esprit démocratique qui veut que l'on puisse s'échanger des arguments et même changer d'avis lorsque la réalité impose sa vérité. Tel est l'abîme qui sépare l'humain du barbare. Mais comme celui-ci présente, cyniquement, le visage de l'humanisme absolu, il va être ardu de montrer qu'il n'y a rien derrière. C'est-à-dire le nihilisme.

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