Shirel

Elle sait chanter, Shirel, et sourire, et même aimer le monde entier…Mais elle est juive Shirel, et aujourd’hui c’est un pêché.

Pourtant, de sa famille, elle dut recevoir l’éducation « libérale » - c'est-à-dire gauchiste – des démocrates américains ; pourtant, le monde du spectacle, avide de foules et de vivats, impose un mode – au sens propre – d’expression inodore, incolore et sans saveur ; pourtant, elle ne dut jamais penser que l’immigration n’était pas une chance pour la France ; pourtant, elle avait accepté d’être en scène en compagnie de tant groupes que la France ne peut reconnaître…

Mais rien de tout cela ne pouvait la protéger, et la haine a frappé.

Car seuls ceux qui sont nés parmi ceux qui l’ont offensée peuvent savoir ; seuls ceux qui ont humé l’air coupant des pays d’islam peuvent comprendre que la haine y est consubstantielle à la religion, qu’elle y est l’air qu’on respire.

Alors ils ont osé s’asseoir aux premiers rangs – ils savent qu’ils ne risquent rien – ils ont osé hurler « Sale juive ! «  «  Au four, au four ! » - ils savent que c’est dans l’air du temps – ils ont forgé des croix gammées avec leurs doigts entremêlés, ils ont retrouvé la foi SS des chefs FLN – comme Mohammedi Saïd arborant un casque allemand au massacre de Melouza – ils ont insulté la jeunesse et la beauté, eux qui en sont la négation…et nul n’a bronché !

L’épouse d’un président de la République en exercice n’est pas montée sur scène pour annuler la représentation.

Le judoka – maire de Macon – est resté douillettement coi.

La foule des Français présents est demeurée muette, comme en d’autres occasions elle n’entendit pas les cris des victimes des nazis ou du FLN qu’on égorgeait sur son propre sol, comme elle est sourde à ceux de ses frères qu’on persécute, qu’on brûle ou qu’on égorge dans ses banlieues.

Cinq mille personnes ont toléré – quand on dit que la tolérance est une putain qui ne mérite que ses maisons ! – cinq mille personnes ont assisté jusqu’au bout à ce spectacle désolant des groupes de rage et de rap dont les noms et les sons restent étrangers à la France.

Il est des moments où l’on mesure mieux l’état d’une société. Nous traversons l’un d’eux et la jeune Shirel en fut la victime expiatoire, à Macon, l’autre soir.

Georges CLEMENT

Le 2 février 2004