Les racines réactionnaires de la haine anti-américaine

La vive polémique que j'ai entamée hier soir avec l'ami d'une copine m'a beaucoup appris sur l'une des raisons profondes qui justifie cette haine, à la limite du rejet viscéral : le fait que les USA aient été, à tant d'occasions, l'objet d'accusations fondées quant à leur rôle peu glorieux au Vietnam, au Chili et ailleurs, sans oublier leur soutien à diverses dictatures.

J'ai eu beau dire que ce faisceau d'accusations n'était pas suffisant pour les condamner jusqu'à la fin des temps, surtout lorsqu'ils pouvaient, aussi, soutenir des causes justes, rien n'y faisait. Tout ce que peuvent dire, faire, les USA, est condamnable à l'avance ou est automatiquement réduit à la recherche d'intérêts inavoués.

Cette opposition, tenace, inflexible, intemporelle, fonctionne un peu à la façon d'une condamnation à perpétuité, y compris lorsque le criminel a purgé sa peine. Il n'y a pas de seconde chance. Mais une double peine perpétuelle. La condamnation est de plus sans appel. La tache du crime est, une fois pour toutes, placée au front, et il n'y a pas de rémission, pas de pardon.
Je lui en ai fait part, cela n'a pas eu l'air de le toucher plus que cela.

Je lui ai alors demandé s'il n'y avait pas deux poids deux mesures: que je sache, si l'on prend tous les crimes que l'on suppose américains depuis disons 50 ans, ils ne sont tout de même pas l'équivalent des crimes staliniens et maoïstes de la même période.

Il n'y a pas eu des goulags américains dans lesquels des millions de gens pourrissaient, étaient tués avec l'exigence que la famille rembourse la balle qui a servi pour la sentence, sans oublier les trafics d'organes en ce qui concerne les prisonniers chinois.

Il existe donc bel et bien un formidable non-dit sur ces crimes de "gauche", et ce non-dit est si enfoui, si refoulé que je viens à me demander si les USA ne servent pas de défouloir et en fait de bouc-émissaire permettant d'évacuer cette incroyable omission.

Comme si l'on demandait aux USA de prouver qu'ils sont purs, beaux et braves comme l'étaient décrits les chevaliers communistes, et, comme ils ne le sont pas, et comme personne ne l'est, du moins en permanence, alors cette inexistence de pureté alimente cette irrationalité consistant à ne jamais leur pardonner quoique ce soit, parce que, justement, le travail de deuil sur les millions et les millions de morts communistes n'a jamais été fait en France alors que le PCF était membre de la direction communiste internationale et savait pertinemment qui l'on tuait et pourquoi.

Prenons un exemple récent avant de vous quitter: tout le monde a entendu parler de ce qui s'est passé dernièrement à Cuba. J'attendais deux choses: d'une part que les grands pourfendeurs du "buschisme" se réunissent pour organiser une manif vers l'ambassade castriste. D'autre part que le numéro de Mai du Monde diplomatique en parle. Rien de tout cela n'est arrivé bien entendu et, en substitut, la logorrhée anti-américaine a redoublé d'ampleur (alimentée par la gauche radicale à la Chomsky également).

Ainsi les USA restent des condamnés à perpétuité, et plus les crimes de gauche sont refoulés, plus les USA restent les parfaits bouc-émissaires.
Il en est de même au Proche-Orient : plus la misère, la gabegie se déploient en ayant pour cause l'omnipotence des dictatures militaires, plus celles-ci alimentent l'idée que les trois causes véritables sont Israël les USA, et l'Occident, car les dictatures savent se mettre au goût du jour.
J'ai donc beau eu expliquer à cet ami d'amie qu'au-delà des reproches et des critiques, nécessaires, à faire, il faut savoir, aussi, balayer devant sa porte, (j'étais assez zen dans mes réponses), rien n'y faisait. J'en ai conclu que les USA, Israël, l'Occident, représentaient le bouc-émissaire parfait pour refouler fébrilement ce que l'on ne voulait pas voir. A ce stade, lorsque cela devient si passionnel, plus aucun dialogue n'est possible.

J'ai bien peur que ce cas là soit hélas si répandu en France que l'on peut ainsi observer que des anciens gauchistes invétérés se mettent à défendre un Chirac, tout en appelant au respect de la légalité, alors qu'ils étaient les premiers à s'en prendre au supermenteur et à souligner que la loi peut être franchie lorsqu'elle ne repose pas sur une légitimité démocratique suffisante.

Aujourd'hui Supermenteur se prépare pour un troisième mandat et l'Onu, qui repose sur une Charte et non sur un Traité ratifié par des Parlements, permet toujours à des dictatures de parader et même de se faire élire à la Commission des droits de l'homme !
Mais à quoi bon aligner des arguments, puisque, de toute façon, ils seront noyés dans la boue des haines qui se déversent sans discontinuité.

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