Par Lucien-Samir Oulahbib*
La Castille paye le prix du sang, certes, pas assez encore, la charpente n'avait pas pu être dé(cons)truite, mais L'Andalousie pouvait se sentir enfin libre, il suffisait, déjà, de le penser.
M ne cessait pas de le désirer en marchant dans Grenade, séparant mentalement les deux mondes, celui à dé(cons)truire, le monde dégénéré et décadent de l'Occident juivo-chrétien, et le vrai, le monde du Retour vers l'Unicité, que le Sacrifice de Madrid à la suite de celui de tant d'autres commençait peu à peu à héler, le passé réapparaissait! même s'il faudra encore creuser pour l'extraire du présent, lui redonner vie.
Peu à peu, il revient ! chantonna M en observant les devantures des magasins de TV montrer en boucle des foules éventrées, il demanda pardon pour avoir regardé, jurant de continuer de puiser dans le puits de l'Histoire, mais pour cela il fallait épuiser le faux monde. A coup de saignée. Vases communiquants. Plus on éventrait le monde, plus le passé chéri revenait.
En même temps, il faudra être ferme à la réunion réunissant les différentes mouvances en lutte contre le Royaume juif des Croisés. C'est la guerre. Totale. M voulait donc plus. Avec néanmoins une idée de miséricorde à diffuser parmi les "amis" : si vous voulez en réchapper rejoignez le vrai monde ! Ou alors mourrez ! Car continuer à vivre dans l'autre monde, celui des Croisés, c'est vivre complice, et donc être sujet à subir le châtiment ! C'est ce que ne comprenaient pas ces foules foulant la menace dans leurs rassemblements de protestation, ils ne comprennent pas ! ils ne savent pas voilà tout ! plus ils se mobilisent ainsi, plus ils mourront !
Le croissant de lune avait la taille parfaite, celle d'une dague courbée. M entra. Les participants se turent; seuls les froissements de papier journal s'entendirent encore avant de s'éteindre. M sentit sa puissance, force d'une avant-garde sans l'ombre d'une faiblesse, lorsqu'il repéra dans le silence qui entoura son entrée une onde de respect entremêlé de froideur incisive.
Il dit : -Frappons plus fort mais prévenons ! 200-300 morts ce n'est pas assez! Il faut cette fois 30 000 morts !...mais, en même temps, nous répandons des Frères, plusieurs groupes de prédicateurs viennent d'arriver dans chaque ville afin d'appeler à nous rejoindre, pour quitter la fausseté de ce monde immonde !
B sourit. Cette demande ne le concernait pas, il n'avait que faire de prévenir, mais elle était prévisible. Tuer encore plus, pour ne pas mourir ! Tuer pour ne pas devenir meurtrier ! Qui pouvait comprendre cette subtilité ? Qui ? Sinon les Amis ? Ceux qui savaient qu'il fallait tuer la vermine qu'était devenu le monde pour justement ne pas être le complice de ces meurtriers qui l'avaient rendu ainsi ! Le monde était malade...de lui-même...maladie autoimmune...cancer...seul un virus pourrait le sauver...chimie...politique...
Il ne suffit donc pas d'écrire, il faut changer les choses, il ne sert à rien de peindre le meurtre de César, il faut être Brutus! Créer du réel en plus ! Modifier la Fin de l'Histoire pour en faire une histoire sans, (cent, sang) fin.
Néanmoins, en voyant M continuer à présenter le Sacrifice Suivant, B se dit qu'il était un candidat parfait. La Passerelle réunissant tous les Amis du monde entier avait donc décidé de soutenir son effort de mort. Tuer le faux monde! Pour ne pas en devenir les meurtriers.
Mais comment expliquer à M que le faux est un moment du Vrai ? Que le Vrai n'est autre que La Nuit ou la Mort et que seul l'Acte de Tuer permettait de se préserver également de son emprise ?... M était agaçant parfois à trop croire en une pureté...Nous sommes tous sales! Nous devons donc nous comporter comme Orphée lorsqu'il se retourne et pétrifie se faisant Eurydice, c'est cela l'oeuvre, se retourner ! Voilà le Vrai Art ! Pas du tout aller chercher Eurydice ! à savoir le Passé pour M, peu importe le passé ! martela B.
M sentit le regard de B, il connaissait ces arguments par coeur et aurait aimé le décapiter sur le champ mais la Passerelle était un Organe trop important pour s'en passer. Pour le moment. Elle mobilisait des milliers de gens importants qui critiquaient les USA, Israël, l'Europe, il les fallait, pour s'épanouir dans leur ombre. Préparer les millions de morts. Mais un jour les rescapés devront choisir : se convertir ou mourir. M lui sourit et chuchota : - Mourir...
De rire, ajouta B sous cape, il avait entendu M. Mourir ? de rire, mou du rire, meurtre, meurtrier, meurtrière et par elle tuer : si vous ne me tuez pas vous êtes un meurtrier, soyez au moins une meurtrière apprenez-moi à viser, se marmonna B lorsque M lui tendit les détonateurs en demandant :
-Vous avez quelqu'un ?
-Oui...répondit B, il ajouta: -elle se nomme Eurydice.
Une femme voilée de pied en cap apparut au devant d'une tenture. Elle l'enleva. Apparence blonde, jeune et jolie. M trouva cela parfait. Les bruns et autres basanés devenaient suspects. Qui songerait à une perruque? Il demanda:
- Etes-vous prête à vous convertir ?
-C'est fait...
_ Que devez-vous faire ?
-Accompagner trois énormes camions de déménagement Avenue des Champs Elysées, décapsuler les fioles placées dans les chambres froides, actionner à distance les détonateurs que vous venez de confier... Eurydice se sentait confiante, elle avait répété mille fois la scène au Sahara, il suffisait qu'elle soit à côté du premier chauffeur, nue-tête bien sûr et un beau décolleté...Un million de dollars l'attendait dans une banque à Miami.
C n'était pas satisfait. Cela faisait quand même beaucoup trop de morts. La lutte contre l'Empire nécessitait certes de passer à un autre stade, la faim dans le monde qui tuait deux millions de personnes par jour méritait bien des sacrifices, mais cela commençait à coincer avec les "copains" sur le terrain qui ne comprenaient pas pourquoi on devait abandonner les luttes pour un tel combat clandestin aux conclusions incertaines.
M sentit la peur de C et le regarda de façon méprisante, il faillit lui dire que la révolution communiste n'avait rien donné, qu'ils avaient été tous corrompus, même les gauchistes devenus de riches décadents avec leur art juif et pornocrate, il fallait en finir ! Le Retour c'était cela !, il se tourna vers B qu'il sentait compatissant envers C, et dit tout haut:
-Nous cherchons tous un Recommencement. Eternel. C'est possible. C et B se regardèrent. Eurydice avait remis son voile et se dirigea lentement vers la porte. Cette vision déclencha quelque chose chez B, il se mit à jouir, regarda éperdument M y voyant un dieu. C eut envie de vomir mais se retint.
A suivre
* Auteur de Ethique et épistémologie du nihilisme, les meurtriers du sens, Le nihilisme français contemporain, fondements et illustrations (l'Harmattan), Les Berbères et le christianisme (Editions Berbères), membre du Mouvement Néo-Moderne.