Communiqués du MNM

A propos de la désinformation sur l'Irak, le Hamas, et la polémique sur la prévention du 11 septembre

Par Lucien Samir Arezki Oulahbib*

Une fois n'est pas coutume pour commencer la séance de désintoxication: même si l'information a été complètement passée sous silence, Le Monde daté du 2 avril 2004 a tout de même fait état (page 32, en avant dernière page cependant...) du dernier numéro de la revue "Politique étrangère" (printemps 2004) et l'article, signé par Mouna Naïm, spécifie ceci à propos des ADM :

" (...) peut-on d'ores et déjà conclure avec certitude que ces armes n'existaient pas ? Non, répondent des spécialistes et experts des ADM dans des articles publiés par la dernière livraison de la revue trimestrielle."

Pourquoi ? Déjà parce que, selon l'article, le régime irakien a menti pendant onze ans, de 1991 à 2003; ensuite "de nombreuses questions posées par les équipes des inspecteurs demeurent sans réponse". Plus "inquiétante", précise "Tim Trevan, ancien conseiller du directeur exécutif et porte parole de la commission spéciale de l'ONU pour l'Irak" serait "l'ambiguïté délibérément maintenue par l'Irak sur l'entretien de programmes ADM. "

Thérèse Delpech, "chercheur au Centre d'études et de recherches internationales et commissaire auprès de l'Unmovic" souligne par exemple que les inspecteurs "n'ont jamais pu vérifier ce qu'ils étaient advenu de 3,9 tonnes de VX (...) En février 2003 (...)un document a été fourni (par Bagdad) à l'Unmovic pour tenter d'expliquer le devenir d'environ 63% du VX manquant. Auparavant, les Irakiens prétendaient ne pas détenir un tel document".

Idem pour " l'anthrax, dont l'Irak affirmait avoir détruit le stock en 1991". Mais, cite l'auteure de l'article, " en mars 2003, l'Unmovic concluait qu'il existait toujours, très probablement, 10 000 litres d'anthrax non détruits par l'Irak...".

Et que penser des " missiles Al-Samoud-2 " ? Des " 6256 bombes aériennes que l'Irak a finalement admis ne pas avoir utilisées durant la guerre contre l'Iran, de 550 obus d'artillerie qui manqueraient toujours à l'appel et d'une trentaine de bombes biologiques" ?....

Finalement, cet article ouvre des pistes sérieuses. Mais les farouches pourfendeurs du "mensonge blairo-bushiste" préfèreront se raccrocher aux dites révélations de Colin Powell sur ses désaccords avec Cheney et Romsfeld, ce qui s'avère loin d'être un scoop et au fond révèlent deux manières de procéder lorsque l'on prétend faire de l'analyse objective des faits.

Soit l'on tente de collecter le moindre indice qui permettrait d'étayer à, tout prix, ses apriori non démontrés, soit l'on cherche constamment à vérifier si ces derniers tiennent la route ou non. Or, les tenants teigneux de la thèse du mensonge sont d'une part sûrs de leur fait; il n'y a pas d'armes. Des spécialistes apparaissent plus circonspects; que nenni, vous dis-je il n'y en a pas ! Soit. Etudions dans ce cas la suite de leur argumentaire. Les ADM sont donc un prétexte. Admettons. Bush a voulu entrer en guerre pour le pétrole. Cet argument ne tient pas et d'ailleurs n'est plus guère utilisé pour la bonne raison qu'il aurait été bien plus utile pour Bush de se battre pour la levée des sanctions onusiennes et signer de juteux contrats avec Saddam.

Autre argument : il n'y aurait pas de lien entre celui-ci et Ben Laden. Des rencontres entre bras droits ont été pourtant signalées. Par ailleurs, et surtout après le 11 septembre, tout concourait pour qu'il y en ait à terme, d'autant que Saddam finançait les attentats kamikazes en Israël, il n'y avait donc aucune raison qu'une alliance objective ne voie pas le jour, surtout après le succès du 11 septembre.

Un autre argument avancé serait de jeter de l'huile sur le feu, le 11 mars en étant un exemple -or, il s'avère que la préparation de Madrid datait de novembre 2002, cinq mois avant la guerre.

Un dernier argument se signale par la tentative désespérée de trouver à vrai dire aucune raison à la guerre sinon qu'elle serait celle "de" Bush,celui-ci serait donc un dangereux psychopathe soucieux d'aller plus loin que son père et qui aurait même jusqu'à laisser faire le 11 septembre !

C'est l'ultime argument, qui flotte dans l'air, on le sent venir entre les lignes fiévreuses qui relatent, avec délectation, les dysfonctionnements de la CIA et du FBI (que Times magazine et Newsweek avaient relaté en long et en large depuis au moins deux ans maintenant...) mais que personne n'ose encore en France écrire noir sur blanc (pas même un Sabatier de Libération...) tant il fait penser à ce livre qui fait toujours fureur dans les pays "arabes" expliquant qu'aucun avion ne s'est écrasé près du Pentagone; ou encore à ces rumeurs qui expliquent que Sharon (si ce n'est pas Bush cela ne peut être que Sharon, bien entendu...) est derrière le 11 septembre, la preuve ? Les Juifs s'étaient fait porter pâle ce jour là...

Que retenir de cette logomachie ? Trois choses : d'une part, l'absolu entêtement à plutôt voir en Bush et Blair le mensonge plutôt que chez Saddam ; d'autre part, et ceci explique peut-être cela, l'absolu refus de prendre en compte la volonté stratégique du national arabisme, -en déroute complète-, de se refaire une santé en manipulant le religieux afin de s'en servir d'arme bélier pour empêcher que son emprise tyrannique sur des peuples entiers soit remise en cause ; enfin, le refus haineux que les USA fassent au fond ce que la Révolution française et Napoléon se sont évertuer à disséminer y compris par la force : le goût de la liberté.

Evidemment, pas seulement pour les beaux yeux de celle-ci, ne soyons pas (uniquement) naïfs, mais parce que depuis le 11 septembre les USA ont changé, ils se sont enfin aperçus qu'ils ont en fait nourri les kamikazes, que l'Arabie Saoudite est le maillon faible, et que de plus l'Irak cherchait par tous les moyens à reprendre l'initiative comme est en train de le faire l'Iran avec sa bombe, mais aussi en manipulant les Shiites.

Que nous apprend à ce sujet Newsweek (du 19-26 avril, p 32) ? Ceci: en juin dernier, l'Iran avait invité le sulfureux al Sadr, -qui occupe à l'heure actuelle Najaf et est accusé d'avoir tué en avril 2003 l'ayatollah Abdul Majid al-Khoei-, et ce au grand dam de divers ayatollahs, par exemple Mohamad Baqir al Hakim qui, en Août, menaça un envoyé de Khamenei (le Guide Suprême) de rompre tout lien avec Téhéran. Que se passa-t-il à la suite de ces frictions ? Hakim fut tué ainsi que 89 de ses partisans relate Newsweek lors d'un attentat à la voiture piégée qui explosa près de la mosquée de l'Imam Ali....

Avez-vous entendu parler de ces dissensions dans la presse française? Si peu... Nous avons plutôt eu droit aux éternels donneurs de leçons en relations internationales qui regorgent au Figaro, au Monde, au Point, et, bien sûr, à Libération et à Marianne...

Quelles leçons au fait ? Ce que les américains auraient dû faire ce qu'ils n'ont pas réalisé ou vice versa... Mais quelle est à vrai dire la portée de ces leçons ? S'agit-il de critiquer pour rectifier le tir, par exemple sur la méthode de transfert du pouvoir, le nombre de troupes ? Non. Uniquement pour justifier qu'il ne fallait pas la guerre. Pourquoi ? Parce qu'il n'y avait pas d'ADM ? Nous repartons dans la discussion de tout à l'heure. Quoi alors ? Parce que c'est contraire au "Droit international " paraît-il. Mais depuis quand le "Droit" décide t-il de l'entrée ou pas en guerre, du moins jusqu'à présent ?

Et, d'abord, de quelle "légalité" parle-t-on ? Celle de la Charte onusienne ? Celle-ci n'a pas juridiquement la force d'un Traité, autrement il y aurait belle lurette que de petits malins auraient porté plainte contre l'entrée en guerre de la Coalition... Mais insistons sur cette histoire de "légalité". Prenons par exemple le cas du Hamas.

Ainsi, tuer, en temps de guerre, un dirigeant ennemi, serait "illégal"...Argument étrange qui aurait fait sans doute plaisir à Hitler...Parce que jusqu'à preuve du contraire le Hamas a bel et bien déclaré la guerre, qui plus est "totale", à Israël et ce depuis belle lurette ; c'est bien lui qui a torpillé Oslo et Camp David, avec la bénédiction d'Arafat il est vrai.

Au nom de quoi parle-t-on de légalité dans ce cas ? Que Sharon ne soit pas exempt de critique, ne serait-ce qu'en attaquant, maintenant, le Hamas, au lieu de le faire dès les premiers attentats, préférant en réalité affaiblir d'abord Arafat pour l'empêcher de se servir d'Oslo, construisant ainsi un limes cher aux Romains, une telle critique, nécessaire, ne veut pas dire qu'il ne faille pas admettre qu'en situation de guerre, la vie d'un dirigeant ne vaut pas plus que celui du kamikaze dont il programme le cerveau. Que les dirigeants européens n'aient pas compris cela en dit long sur leur degré d'aveuglement.

Prenons par exemple et pour conclure à ce propos les dires d'un Charles Enderlin (Libération du 20 avril, p 32) qui rend responsable Israël de la "paupérisation sans précédent " de la population palestinienne "conséquence des opérations israéliennes", sans se rendre compte que cette paupérisation est due, à 99,9999%, à la politique, suicidaire, des dirigeants palestiniens qui ont cherché à créer une situation telle qu'elle pousse en effet certains jeunes à se faire sauter. Ce qui est là proprement criminel. Et que l'on n'aille pas agiter la nécessité de pourparlers avec un mouvement, le Hamas, qui ne reconnaît même pas à Israël le droit d'exister dans les frontières de... 1948 !

Quant à 1967, que l'on arrête l'hypocrisie en croyant que les colonies sont le principal objet de discorde, -(alors qu'il serait fort possible de trouver une solution qui ne nécessite pas leur démantèlement : par exemple en permettant qu'elles s'ouvrent à des non-Juifs...)-, puisque le principal point réside en cet entêtement d'Arafat d'exiger le retour des "exilés" (pour la plupart volontaires ou obéissant aux injonctions des Etats "arabes") au sein même d'Israël ! Point que le dit plan de "Genève" écarte, certes, mais celui-ci n'a pas reçu l'aval d'Arafat, encore moins du Hamas, et, de plus, Genève s'arc-boute sur le problème des colonies, -qui n'en est pas un (surtout si les colonies en plus d'être ouvertes paient l'impôt foncier à un futur Etat palestinien)-, au lieu de se battre pour que l'économie israélienne s'ouvre aux produits palestiniens, c'est-à-dire en baissant des droits de douane excessifs, première étape pour un futur marché Commun....

On le voit, la désinformation trouve sa racine dans des apriori idéologiques non démontrés, et si fallacieux qu'ils pavent de bonnes intentions l'enfer totalitaire du national arabo-islamisme, agitant ainsi un racisme à l'envers stipulant qu'un assoiffé de sang ne peut être que blanc, protestant, ou juif, jamais, en aucun cas, un riche arabe islamiste gorgé de haine; alors que ce n'est pas en Afrique sub-saharienne que se recrutent les arabo-islamikazes, mais dans des milieux aisés formés en Occident pour mieux pouvoir le connaître et l'anéantir.

Il serait temps de s'en rendre compte.

* Membre du Mouvement Néo-Moderne, (http://mouvement.neomoderne.free.fr ), auteur de Ethique et épistémologie du nihilisme, les meurtriers du sens, Le nihilisme français contemporain, fondements et illustrations (l'Harmattan), Les Berbères et le christianisme (Editions Berbères), en préparation, L’histoire paradoxale des Berbères, peuple multimillénaire (Editions Volubilis), Le principe oligomorphe, de l'émancipation à l'affinement (Editions L'harmattan), Derrida, Deleuze, Foucault, Lyotard, théoriciens de la mutilation (titre provisoire, Editions La table Ronde).

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