Vincent Puente

L'arafatisation de Jacques Chirac

http://www.tellthechildrenthetruth.com/timelineani-french.htm

A trois reprises Jacques Chirac s'est repris, en moins d'un an : il n'avait jamais dit, paraît-il, qu'il brandirait un veto au Conseil de sécurité "de toutes les manières", autrement dit, même si une résolution américaine devenait majoritaire. Or, il l'a bel et bien dit alors que de Villepin avait promis le contraire à Powell, de Villepin disant même en aparté, dans le couloirs du Conseil, que ce serait tirer une balle dans le dos des américains que de le faire. Mais, pour éviter l'ultime, il a du parcourir l'Afrique pour retenir par la manche les pays récalcitrants comme le Cameroun, d'où la grosse colère de Powell, lorsqu'il s'est senti trahi par les bonnes manières de l'expert en cris de gargouilles.

Jacques Chirac n'a jamais empêché, paraît-il, que les dirigeants de l'Union Européenne réunis à ce moment là écrive un communiqué condamnant les propos du premier ministre malésien sur les juifs. Or, il se trouve que c'est faux (Herald International Tribune du 20 octobre page 6), et le fauteur de troubles ne s'y est pas trompé en ne tenant pas du tout compte de la lettre écrite postérieurement par le président, et en le remerciant pour son blocage.

Jacques Chirac n'a jamais dit, paraît-il, que le "premier" des droits de l'homme c'est de manger, il n'a jamais dit non plus qu'il existait "aussi, en France, des personnes qui ont fait la grève de la faim, qui la font, qui la feront" (Le Monde du 5 décembre 2003, page 4). M. Jean-Louis Debré est formel là-dessus. Pourquoi ? Parce que le lendemain M Jacques Chirac a indiqué que les droits de l'homme sont "indivisibles", donc ce serait lui chercher " inutilement querelle" pour M. Debré que de lui reprocher de dissocier la veille et d'unifier le lendemain, selon l'audience.

Par contre Jacques Chirac a bien dit que les divers pays de l'ex- Europe de l'Est ayant soutenu la position anglo-américaine "avaient perdu une occasion de se taire", il n'y a pas eu de démenti sur ce point.

Jacques Chirac copie donc M. Arafat qui excelle dans le double, le triple, le quadruple langage. Qu'en penser ?

On peut hausser les épaules en soulignant qu'en fait cela ne sort pas vraiment de l'ordinaire : le personnel politico-intellectuel n'a-t-il pas l'habitude de ce genre d'excuse diplomatique en stipulant que la mauvaise interprétation de "la" presse viendrait du fait qu'elle sort toujours " une phrase de son contexte" pour "vendre sa salade quotidienne" ? En fait tout est dit et tout sera démenti, depuis des lustres.

On peut aussi refuser une telle tradition. Comme il est possible aussi de refuser que M. Jacques Chirac fasse la leçon en Irak, en particulier, dans tout le Proche Orient en général, en stipulant que la répression anti-islamiste ne sert à rien s'il n'y a pas un travail de fond sur "la" cause de la haine (entendez Israël pour lui et le Quai). Mais, en Tunisie, il ne dira rien sur la répression qui tient uniquement lieu de politique compréhensive.

Ou alors il dira tout, mais ailleurs, plus tard, et démentira tout aussitôt. Tout comme en Russie, en Chine, où il soutient les dictatures, tout en faisant recevoir en catimini par un obscur fonctionnaire de l'ambassade tel ou tel parent anxieux de ne plus avoir de nouvelles de proches et depuis des lustres. M. Jacques Chirac préfère le cynisme d'Etat au droit d'ingérence. Sauf que nous en sommes plus là aujourd'hui et que surtout cela ne rapporte rien, hormis le mépris des peuples ainsi humiliés.

Jusqu'à quand ? Jusqu'où ? Combien de temps allons-nous supporter une absence, totale, de clairvoyance en matière de politique internationale (et de politique intérieure, hormis quelques solutions de bon sens) dont les démentis à répétition traduisent tout à fait autrement ce qui se voit, s'entend, se lit ?

To be or not to be. That is the question.

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